Elvira Kana
Thèse
Le préjudice culturel
Directeurs de thèse : Pr Sandrine CLAVEL (UVSQ) et Pr. Germain NTONO TSIMI (Université de Yaoundé II)
Cotutelle dans le cadre du programme ADI.
Résumé
Peut-on parler de préjudice culturel en droit ? Peut-on identifier un tel préjudice à partir des données positives des développements récents du droit de la responsabilité dans les droits nationaux et dans le droit international ? L’origine de cette interrogation se trouve d’une part, dans la capacité du droit de la responsabilité à s’adapter aux préoccupations émergentes du monde contemporain, et, d’autre part, dans l’incapacité des figures classiques de ce droit à réaliser des réparations véritables face à certains dommages.
Sur ce second point en effet, la destruction d’un objet d’art par exemple pourrait ne plus se limiter à un dommage matériel donnant lieu à une réparation individuelle attribuée à son propriétaire. De même, la réponse du droit à la caractérisation d’un préjudice écologique pur pourrait ne plus se limiter aux seules réparations personnelles ordonnées aux riverains du fait de la destruction d’une flore et/ou d’une faune. Au-delà de la question progressivement admise dans des législations de plus en plus nombreuses et portant sur le point de savoir si l’environnement est juridiquement apte à bénéficier des réparations, il s’agit ici de se demander si le dommage porté contre le rapport de l’homme à la nature pourrait, en tant que tel, donner lieu à réparation sous la catégorie d’un préjudice culturel. Certaines aires géographiques constituent, dans de nombreux pays africains, des espèces de « forêts sacrées » dont la destruction pourrait déconstruire l’identité d’un peuple. Il en est de même de la déforestation détruisant le milieu de vie d’un peuple ou d’une communauté.
Dans cette première trajectoire, le préjudice culturel serait une catégorie de préjudice dérivée ou qui se dédoublerait des catégories classiques tels que le préjudicie matériel, économique ou encore le préjudice écologique pur. L’intérêt de son développement serait de faire évoluer le droit de la responsabilité civile vers des formes de réparation dépersonnalisée dont le caractère collectif donnerait à réfléchir sur l’hypothèse des réparations multiples.
Dans une autre perspective fournit par le droit pénal international à partir de la catégorie des crimes internationaux par nature tels que les crimes contre l’humanité, le crime de génocide, les crimes de guerre, la notion de préjudice culturel permettrait d’approfondir le débat en cours dans la jurisprudence internationale sur la victime véritable d’un crime de masse. Le précédent Ahmad Al Faqi AlMahdi du 28 septembre 2016 de la Cour pénale internationale relatif à la destruction des mausolées de Tombouctou est à ce point significatif en ce qui concerne les crimes de guerre.
Dans cette seconde trajectoire, le préjudice culturel pourrait permettre d’introduire l’idée des « communs » dans le droit de la responsabilité pénale (internationale). Au-delà du collectif, les communs pourraient permettre de rechercher un préjudice à partir de ce que l’humanité aurait en partage. Dans cet ordre d’idées, le préjudice culturel s’inscrirait dans les dynamiques de réparation de la mémoire d’un peuple notamment dans le cadre des lois mémorielles.
L’enjeu du sujet se situe dans deux hypothèses complémentaires. La première est de parvenir, à partir d’une investigation exclusivement basée sur le droit positif, à l’affirmation d’une certaine existence de la catégorie de préjudice culturel. Le second est, après une telle admission, de questionner l’apport d’une telle catégorie normative dans la construction d’un droit de la responsabilité face à l’émergence des biens communs notamment en ce qui concerne les conditions et les fondements de la réparation. Cette seconde hypothèse emprunterait en plus des voies du droit, celles de l’anthropologie, de la sociologie et de l’histoire.
Mots-clefs : Responsabilité civile, Responsabilité pénale, Réparation, Fait dommageable, Dommage culturel, Crimes internationaux
Autres
Mémoire de Master : Le préjudice réparable en droit pénal international.